samedi 11 octobre 2008

Maqsood Sinha, magicien des ordures


Il y a presque 15 ans, Maqsood Sinha a créé Waste Concern, une entreprise qui collecte les déchets organiques des familles pour en faire de l'engrais agricole. Aujourd'hui, cet urbaniste bangladeshi a installé son concept dans 26 villes de son pays, et plusieurs pays d'Asie font appel à ses services.

Architecte de formation, Maqsood Sinha n'avait à priori aucune raison de consacrer sa vie à remuer des ordures. "J'ai quitté le Bangladesh quelques années dans ma jeunesse, pour suivre mes études en Thaïlande, explique-t-il. A mon retour, j'ai pris conscience de l'état sanitaire déplorable dans lequel se trouvaient nos villes."

Dacca, la capitale, abrite l'une des plus fortes densités de population de la planète. Plus de 15 millions d'habitants y vivent aujourd'hui, générant 4000 tonnes de déchets quotidiens. Les autorités de la ville n'en ramassent qu'une faible partie, le reste s'entassant dans les rues. "Le foncier est très cher à Dacca: il est très difficile de trouver de nouveaux sites pour entreposer les déchets, explique Maqsood Sinha. A certains endroits, les autorités disent franchement qu'elles préfèrent tout jeter à la rivière."

Avec un ami ingénieur, Iftekfar Enayetullah, Maqsood imagine une solution: ramasser ces ordures ménagères, non pour les transporter ailleurs, mais pour les transformer en une ressource utile. Des déchets organiques (près de 80% des ordures ménagères au Bangladesh), on peut obtenir du compost, dont on se sert pour faire de l'engrais naturel.

"Nous avons présenté notre projet en 1994 aux autorités gouvernementales. Personne n'a voulu nous suivre. Notre idée leur paraissait farfelue, elles ne voyaient pas les bénéfices que l'on pouvait en tirer. Cela nous a stimulé: nous voulions prouver que notre idée était la bonne et nous nous sommes lancés, sans leur appui, l'année suivante."

Le "cercle vertueux" du compost

Premier défi, le coût: Maqsood Sinha et Iftekfar Enayetullah ont dû mettre au point un système très simple et bon marché. "On n'a rien mécanisé: tout se fait à la main, et sans informatique", précise-t-il. Ils ont installé leurs bacs de collecte chez les habitants dans les bidonvilles, les villages et les quartiers des grandes villes, et embauché de la main d'oeuvre pour les ramasser régulièrement.

"Les gens ont commencé à accepter de payer le service et à mettre leurs déchets dans le camion. On s'est rendu compte qu'ils faisaient ça très scrupuleusement. Tout le monde y a vu les bénéfices: la collecte créée de nombreux emplois, assainit les villes et les rend plus agréables. Quand au compost, il évite l'usage des engrais chimiques et améliore la qualité des cultures, ce qui permet aux agriculteurs de vendre à meilleur prix."

Aujourd'hui, leur entreprise Waste Concern est largement reconnue dans son domaine. Elle est implantée dans une trentaine de villes du Bangladesh, ainsi que dans quelques municipalités du Sri Lanka, du Viet nam, du Pakistan et de Chine.
Maqsood Sinha n'a pas perdu son enthousiasme: il se veut la preuve vivante qu'une entreprise basée sur le développement durable peut fonctionner. " Si votre projet est bénéfique pour la communauté, s'il est fondé sur un cercle vertueux, alors vous n'avez pas de raison de vous inquiéter pour son succès. Car si vous avez de bonnes intentions, tout le monde finira par faire quelque chose pour vous aider."

En 2002, Waste Concern a reçu le prix des Nations Unies pour l'éradication de la pauvreté.

Mathilde Bellenger

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